post

De l’économie des plateformes à l’entreprise plateforme : comment le numérique et les réseaux sociaux ont-ils placé le corporate au cœur d’un nouvel écosystème ?

UNE LOGIQUE DE BIEN COMMUN

Les réseaux sociaux se sont initialement inscrits dans une logique de bien commun. 

Leur raison d’être originelle est basée sur la mise en relation. 

Leur proposition de valeur se concentre sur la création de liens entre des individus qui partagent un ou des intérêts communs. 

Parallèlement, ils deviennent assez rapidement de nouveaux accès à la connaissance, la culture et l’information. 

Sans connaître, ni même comprendre totalement leur réel dessein, les publics ont perçu leurs intérêts à y adhérer.

DU COMMUNAUTAIRE AU PUBLICITAIRE 

Dans ce contexte d’audiences sans cesse évolutives, les marques investissent les réseaux sociaux. Une démarche pas toujours empreinte de convictions bien identifiées (“il faut que j’y sois”), elles savent qu’elles vont y rencontrer leurs publics, consolider leur image en s’inscrivant dans un contexte qui fait l’actualité et surtout elles ont rapidement traduit qu’elles auraient accès à de nouveaux espaces de communication dans une dynamique qu’elles interprètent alors comme gratuite. 

Cette apparente gratuité des plateformes a longtemps interrogé, même les Etats-Unis, où les socionautes ne cernaient pas le business model de Facebook. 

En 2009 quand ce dernier, regroupant alors 300 millions d’actifs (connectés au moins une fois par mois), devient rentable et qu’en moins d’un an son bénéfice net atteint 29,1 milliards de dollars, les leviers financiers des réseaux sociaux deviennent plus évidents. 

Ils sont ainsi passés de services, préalablement envisagés comme gratuits, à un statut de régie publicitaire où le paid devient vite indispensable.

La guerre de l’attention est alors de tous les instants. Interpeller les socionautes par l’intérêt et/ou les formats émergents des contenus qu’elles publient et favoriser leurs réactions devient un enjeu quotidien sans cesse renouvelé. 

Avec un graal : l’engagement.

Études Harris Interactive moyenne engagement sur 35 industries, 22 millions de posts, en 2020 :

  • FB : 0,26%
  • IG : 1,16%
  • Twitter : 0,06%

Mais, si le contenu sous tous ces formats est roi, très vite ses règles deviennent celles des algorithmes. Les marques qui veulent continuer d’exister sur les réseaux sociaux, à savoir être visibles, doivent alors se soumettre à ces nouvelles contraintes. Sans avoir accès aux équations précises qui régissent les algorithmes, savante alchimie en partie basée sur l’IA et dans tous les cas bien gardée, elles ont rapidement constaté que l’organique ne suffisait plus et ont dû investir dans le paid.

Définition algorithme :

“Ensemble de règles opératoires dont l’application permet de résoudre un problème énoncé au moyen d’un nombre fini d’opérations.”  Un algorithme est une méthode générale pour résoudre un type de problèmes.

Les objectifs des plateformes sont alors plus dessinées :

  • Attirer votre attention ⇒ comme pour les marques une guerre de l’attention
  • Garder les audiences le plus longtemps possibles : vous captez ⇒ contenu de qualité/pertinent
  • Augmenter votre engagement (1/9/90)
  • Vendre votre attention aux annonceurs A terme : vendre la certitude = du prédictif/ de l’anticipation

⇒ Pour y arriver : data en dictant leurs règles et modes de fonctionnement.

UNE NOUVELLE FAÇON  DE PENSER UN BUSINESS MODEL 

Pour autant le produit, à savoir l’espace qui leur est vendu sur les réseaux sociaux, extrait sa valeur de ses utilisateurs. 

Ce modus operandi est intrinsèquement lié à l’ADN de ces entreprises plateformes. Les utilisateurs sont les créateurs de valeur : producteurs de contenus, multiplicateurs de connexions, sources d’informations monétisables. Ainsi, Sur les réseaux sociaux, les membres ne sont pas des clients donc ils sont des produits.

Ainsi, les investissements en termes notamment d’innovation et de R&D des plateformes sociales sont-ils fortement tournés sur l’optimisation constante de ce capital fondateur : les utilisateurs, leurs usages et surtout les datas qu’ils permettent de remonter. 

Que ce soient les fonctionnalités judicieusement développées à partir de l’observation des socionautes ou encore les contenus créés par les posts sous forme de conversations, de liens et les articles des médias eux-mêmes, les membres sont à l’origine de la valeur créée. 

Là où les entreprises s’inscrivent dans du process, des fonctions et une logique d’achat/vente de produits et/ou services. Les plateformes capitalisent sur des datas, des talents et la recherche constante d’un effet de réseau (culturel, sociologique, communautaire…). Elles s’inscrivent dans une logique de démultiplication des connexions entre leurs utilisateurs, véritables sources de datas pour développer les marchés et les économies.

Plus qu’une présence sur les réseaux sociaux, les entreprises pourraient adopter une véritable culture d’entreprise plateforme. 

UNE INVITATION À LA TRANSFORMATION

Cette culture participerait à l’accélération décidée de la transformation numérique. Elle agirait sur les fondamentaux indispensables à cette dernière.

  • organisationnel : consolidation des datas. 

Casser les silos, décloisonner les organisations. Pour que chaque data remontée, soit consolidée au service d’une intelligence collective. Pour que chaque valeur créée s’inscrive dans la proposition globale de l’entreprise. Pour que chaque individu participe au même projet. Depuis 2004 Facebook, comme Google, ont largement favorisé la first data party en privilégiant leur remontée à chaque action sur leurs espaces.

Une entreprise, une seule voix, une seule vision au service de la cohérence mais aussi de l’engagement des publics. 

  • Culturel : le client devient le point central autour duquel l’entreprise fonctionne.
    • culture de l’écoute et analyse des comportements des publics que l’on souhaite adresser et même engager. 
    • culture du test and learn : tester des produits, fonctionnalités, actions auprès de publics ambassadeurs avant généralisation. En 2009 quand gmail devient la 1ère messagerie au monde, elle est encore en version beta
    • Culture de l’expérience client : dans son acquisition comme dans sa fidélisation faire de chaque point de contact un point d’influence positive.

          Être intéressant avant d’être intéressé.

  • économique : le champ de vision des entreprises pourrait s’élargir. Cette nouvelle culture et organisation les aidant à passer d’un capital purement financier à une dimension multi-capitaux (capital financier mais aussi social, immatériel …), elle favorise la reconsidération du capital client, de son approche (il devient le coeur de l’entreprise) et des perspective d’évolution (acquisition de nouveaux clients par réponse à de nouvelles et le suivi constant de leurs évolutions).

Leur stratégie se concentrerait alors davantage sur une dynamique de croissance vertueuse pour le marché versus celle de la réduction des parts de leurs concurrents. Augmentation par le développement en recherchant des extensions possibles dans le cadre de nouveaux besoins, de nouveaux modes de consommation. 

A l’image des réseaux sociaux, capitaliser sur l’observation et l’analyse des comportements clients, de leurs usages et de signaux faibles pour extrapoler, tester et généraliser de nouvelles propositions. Pour partie elles adresseraient de nouveaux clients, pour lesquels la création de nouveaux liens sera à (re)considérer afin de démultiplier les échanges pour toujours garder une source de datas, d’insights prometteurs et aptes à faire évoluer sans cesse les propositions. 

L’exemple d’un Netflix illustre bien ces propos. 

Cet ancien loueur de cassettes vidéo met aujourd’hui en difficulté Canal+ et Disney. Il s’agit véritablement de s’inscrire parfaitement dans le « time to market ». Voyant son business s’effriter, l’entreprise a réagi sans délais et a pivoté sans laisser le temps un nouveau venu de s’installer dans une position concurrentielle et pionnière qu’il aurait été compliqué de changer. 

À l’inverse, le groupe Accor s’est résolu trop tardivement à créer sa propre plateforme, pour contrer Booking.com, et s’est limité à reproduire un « super » site de e-commerce.

Simultanément à cette stratégie de croissance, il s’agirait de mener une analyse des actifs relationnels de l’entreprise afin d’établir un panorama complet de ses réseaux (particuliers, professionnels, partenaires, prescripteurs, parties prenantes, alliés… )
Le but est alors d’isoler une proposition de valeur distinctive, légitime et suscitant l’échange de flux entre les réseaux pour (re)devenir le pivot central de la relation.

Enfin, cette inscription dans l’effet plateforme inclut inexorablement une dynamique d’innovation. Son curseur peut être plus ou moins poussé en fonction des marchés et moyens de chaque entreprise. La plus simple et rapide :  l’innovation incrémentale (amélioration de l’existant, exemple = pack MAAF) versus technologie, sociale et de rupture.

DE L’ENTREPRISE PLATEFORME À L’ENTREPRISE MISSION ?

Pour aller encore plus loin et s’inscrire dans la pro-activité, l’entreprise pourrait passer de cette logique d’entreprise plateforme à celle d’entreprise mission basée sur les usages, les besoins et surtout sur le fait de donner du sens à leur activité  ?

Un exemple qui m’a particulièrement interpellée, la signature de BPI :

 Servir l’avenir

Le rôle de Bpifrance : servir l’avenir